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Prédication sur Marc 15,37-16,8. Pâques 2018. Agen, le 1er avril.


37... Jésus poussa un grand cri et mourut.
38Le rideau suspendu dans le temple se déchira en deux depuis le haut jusqu'en bas. 

39Le capitaine romain, qui se tenait en face de Jésus, vit comment il était mort et il dit : « Cet homme était vraiment Fils de Dieu ! » 
40Quelques femmes étaient là, elles aussi, et regardaient de loin. Parmi elles, il y avait Marie du village de Magdala, Marie, la mère de Jacques le jeune et de Joses, et Salomé. 

41Elles avaient suivi Jésus et l'avaient servi quand il était en Galilée. Il y avait là également plusieurs autres femmes qui étaient montées avec lui à Jérusalem.
42-43 Le soir était déjà là, quand arriva Joseph, qui était d'Arimathée. Joseph était un membre respecté du Conseil supérieur, et il espérait, lui aussi, la venue du Royaume de Dieu. C'était le jour de la préparation, c'est-à-dire la veille du sabbat. C'est pourquoi Joseph alla courageusement demander à Pilate le corps de Jésus. 
44Mais Pilate fut étonné d'apprendre qu'il était déjà mort. Il fit donc appeler le capitaine et lui demanda si Jésus était mort depuis longtemps. 
45Après avoir reçu la réponse de l'officier, il permit à Joseph d'avoir le corps. 
46Joseph acheta un drap de lin, il descendit le corps de la croix, l'enveloppa dans le drap et le déposa dans un tombeau qui avait été creusé dans le rocher. Puis il roula une grosse pierre pour fermer l'entrée du tombeau. 
47Marie de Magdala et Marie la mère de Joses regardaient où on mettait Jésus. 

©1Quand le jour du sabbat fut passé, Marie de Magdala, Marie mère de Jacques, et Salomé achetèrent des huiles parfumées pour aller embaumer le corps de Jésus. 

2Très tôt le dimanche matin, au lever du soleil, elles se rendirent au tombeau. 
3Elles se disaient l'une à l'autre : « Qui va rouler pour nous la pierre qui ferme l'entrée du tombeau ? » 
4Mais quand elles regardèrent, elles virent que la pierre, qui était très grande, avait déjà été roulée de côté. 
5Elles entrèrent alors dans le tombeau ; elles virent là un jeune homme, assis à droite, qui portait une robe blanche, et elles furent effrayées. 
6Mais il leur dit : « Ne soyez pas effrayées ; vous cherchez Jésus de Nazareth, celui qu'on a cloué sur la croix ; il est revenu de la mort à la vie, il n'est pas ici. Regardez, voici l'endroit où on l'avait déposé. 
7Allez maintenant dire ceci à ses disciples, y compris à Pierre : “Il va vous attendre en Galilée ; c'est là que vous le verrez, comme il vous l'a dit.”  » 
8Elles sortirent alors et s'enfuirent loin du tombeau, car elles étaient toutes tremblantes de crainte. Et elles ne dirent rien à personne, parce qu'elles avaient peur. 


Si je devais donner un titre à cette histoire, ce serait : "rien n'est à sa place".
Rien, ni personne. Car ce sont tout d’abord les témoins de la mort et de la résurrection de Jésus-Christ qui ne sont pas à leur place. Au moment décisif, à l'aboutissement de l'évangile, devant la croix, nous ne trouvons pas les disciples les plus proches de Jésus. Ils se sont tous évaporés. Nous faisons la connaissance de personnages inconnus, des seconds rôles, des tard venus : c'est un centurion romain, un païen, qui le premier confesse que Jésus est le fils de Dieu, alors qu'il est devant un cadavre, un pauvre reste d'humanité. C'est un obscur sympathisant, Joseph d'Arimathée qui aura le courage qui a manqué à Pierre et aux autres, celui de réclamer le corps de Jésus aux autorités et de l'ensevelir. Ce sont des femmes qui accompagneront cet ensevelissement et qui vont justement être les premiers témoins de la résurrection, alors que leur témoignage, dans le droit en vigueur à cette époque, n'avait pas de valeur juridique, aucune autorité morale. Le Seigneur se manifeste à qui il veut. Les premiers sont les derniers et les derniers les premiers. Nos préséances ne sont pas celles de Dieu.

Non seulement la distribution des rôles apparaît chamboulée, mais même la pierre tombale n'est pas à sa place. Sa place normale, c'est de fermer l'entrée du tombeau, pour marquer la séparation entre les vivants et les morts, assurer aussi la préservation du lieu qui abrite le corps du défunt, le protéger éventuellement des bêtes sauvages ou de toute curiosité morbide. Cette pierre, très grande était là pour bien marquer que la mort était passée. Mais la voilà roulée, devenue inutile. Et voilà rendue parfaitement comique et déplacée, c'est le cas de le dire, la question qui habitait ces femmes : mais qui nous roulera la pierre ?

Le jeune homme du tombeau, il n'est pas à sa place non plus. Cet envoyé de Dieu, signalé ainsi par la blancheur de son vêtement, que fait-il là ? Nous sommes au coeur du mystère. La signature de Dieu dans la simplicité d'un individu, sans lumière étincelante et sans coup de tonnerre. Dieu surgit là, dans ce qu'il y a de plus éloigné de lui, le silence d'un tombeau. Là où on ne l'attend plus, là où tout semble terminé, sans espoir, sans avenir, Dieu est là, il agit, il parle, il dit, et tout est recommencé à neuf.

Bien entendu, c’est Jésus qui n'est pas non plus à sa place, ou du moins, il n'est pas là où on croyait l'avoir laissé pour toujours. Jésus est au centre de ce récit poignant, et il en est le grand absent, c'est un comble ! Vous le cherchez là où il n'est plus. Il a été ressuscité. Il est déjà parti, il vous précède. Voyez l'endroit où on l'avait mis, dit le jeune homme. Effectivement, les femmes étaient là et elles regardaient, quand on a enseveli Jésus. D'où leur désarroi quand elles voient cet emplacement vide. Vous vous étiez fiées à ce que vous aviez vu au ras des circonstances que vous veniez de traverser, mais maintenant que la pierre roulée a commencé à vous étonner et à vous ouvrir les yeux, rappelez vous ce qu'il vous a dit. C'est à cela qu'il faut vous fier, à sa parole et à ses promesses.

Et voilà rendus parfaitement inutiles tous les aromates et autres produits destinés à embaumer le corps. Eux non plus ne sont plus à leur place entre vos mains tremblantes. Tous ces rites pour apprivoiser la mort, toutes ces toilettes funéraires, ces apparats, cérémonies, buis béni, plaques, discours, tout cela, qui vous permet bien sûr de dire votre amour et votre fidélité, tout cela aussi est déplacé.

Et pour terminer, même la fin de ce récit n'est pas à sa place. Elles s'enfuirent, tremblantes.. bouleversées... Et elles ne dirent rien à personne. elles avaient peur. C’est ainsi que finit l'Evangile de Marc, car les versets 9 à 20 qui ont certainement été ajoutés à l'aide des autres traditions évangéliques sur les faits qui ont entouré la résurrection de Jésus. Donc les derniers mots de Marc s'accumulent comme dans un dictionnaire des synonymes, à l'article "efffrayé".

On aurait pu imaginer chez ces femmes de la joie, celle des pélerins d'Emmaüs réalisant que Jésus était vivant. On aurait pu imaginer la même hâte à aller annoncer la nouvelle aux autres disciples. Non, Marc a choisi d'en rester sur la peur et le silence. Les deux poids qui nous pèsent quand nous sommes préoccupés, pris de court, inquiets.

Un humoriste anglais a déclaré qu’il y a deux choses qui menacent le monde : l’ordre et le désordre. Le désordre, nous comprenons sa menace : le chaos qui survient dans les soubresauts et les dérèglements de la société ou de la nature parfois. Mais l’ordre devient dangereux aussi. Quand, remis aux mains des hommes, il anéantit nos libertés. L’ordre de nos existences est aussi une menace, c’est toujours une marche de la vie vers la mort. Cet ordre des choses, nous essayons alors de l’habiter, de l’apprivoiser, comme s’y emploie cette pieuse marche des femmes vers le tombeau. Un rite, un geste sincère, sans aucun doute. Un geste de respect et d'amour. A l’image de leur foi : une foi sincère, mais une foi raisonnable, réaliste, dans l'ordre des choses, c'est à dire l'ordre où toutes les choses et les habitudes, et les idées, et la façon de vivre (et de mourir) restent bien à leur place. Un rituel résigné, d’où toute espérance semble bannie. J'ai reçu un jour, étant pasteur dans le Nord, un courrier d’une dame qui ne voulait plus de contact avec l’Eglise et précisait : « de toutes façons mes obsèques sont faites ». Authentique ! Autrement dit, tout est en place, je n'ai plus rien d'autre à attendre de la religion !! je suis servie, merci. Tout est en ordre. « Mes obsèques sont faites » : comme si c’était une personne déjà morte et enterrée qui m’avait écrit..

Frères et soeurs, quand nous sommes tentés de tenir ce raisonnement, d’accepter l’ordre des choses, voilà que l'événement inattendu de Pâques vient nous dire : Dieu vient mettre son désordre dans ton ordre, Dieu vient mettre sa vie nouvelle dans ta routine. Dieu a pour toi des projets extraordinaires, des projets de vie. Dieu vient faire du neuf. Dieu veut te faire bouger, te faire changer de place. Il va parler à ces femmes qui n'ont ouvert la bouche que pour se demander qui allait leur ouvrir la tombe. Il va leur donner une parole nouvelle à transmettre, une parole de vie : allez dire aux disciples qu'il vous précède. Et cette peur des femmes, cette frayeur nous atteste que la parole de Dieu peut venir à tout moment nous déranger, nous secouer, en nous ouvrant les yeux et la bouche. Comme elle est venue changer la vie d’Abigaïl, qui va demander tout à l’heure le baptême au nom du Ressuscité.

Jésus est vivant, va le dire, va en vivre. Il n'est pas seulement un grand maître ès doctrines religieuses, monument rassurant du passé à vénérer dans ta mémoire, il est le sauveur vivant à tes côtés, près de toi, devant toi. Celui qui ne te laisse pas tranquille, qui te rejoint dans l'ordinaire de ton quotidien, comme ce jeune homme tout simple qui a effrayé  les femmes par sa simplicité et par le caractère inattendu de sa présence dans un tombeau vide. Christ vivant : c'est comme une menace pour tout ce qui est bien en place, une menace qui ne te laissera jamais tranquille. Qui interrogera toujours ta façon de vivre, par exemple le temps fou que tu passes en soucis et en occupations accessoires, toutes les occasions que tu perds. Occasion de redonner confiance à celui qui est cerné par la mort, parce qu'il ne voit autour de lui qu'obscurité, mensonge, trahison. Occasion de dire non à tout ce qui est porteur de mort en toi et autour de toi : égoïsme, rancune, indifférence, ou désespoir. Occasion d'être témoin que Dieu est vainqueur de toute force de mort.  Alors ne reste pas à ta place, mon frère, ma sœur, ta place, elle est en avant de toi, sur le chemin où le Christ vivant t'appelle à le suivre. AMEN.


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Prédication sur l'év. selon Matthieu, ch.21, versets 28 à 35. 

La parabole des deux fils
28« Que pensez-vous de ceci ? ajouta Jésus. Un homme avait deux fils. Il s'adressa au premier et lui dit : “Mon enfant, va travailler aujourd'hui dans la vigne.” — 29“Non, je ne veux pas”, répondit-il ; mais, plus tard, il changea d'idée et se rendit à la vigne. 
30Le père adressa la même demande à l'autre fils. Celui-ci lui répondit : “Oui, père, j'y vais”, mais il n'y alla pas. 

31Lequel des deux a fait la volonté de son père ? » — « Le premier », répondirent-ils. Jésus leur dit alors : « Je vous le déclare, c'est la vérité : les collecteurs d'impôts et les prostituées vous précèdent dans le Royaume de Dieu. 
32Car Jean-Baptiste est venu à vous en vous montrant le juste chemin et vous ne l'avez pas cru ; mais les collecteurs d'impôts et les prostituées l'ont cru. Et même après avoir vu cela, vous n'avez pas changé intérieurement pour croire en lui. »


 Une vigne nécessite des soins constants, très attentifs. Il y a toujours quelque chose à faire au moment exact : tailler les vignes au cœur de l’hiver, quand la nature est endormie. Puis attacher les sarments, les tresser pour qu’ils poussent bien droit et ainsi faciliter la récolte future. Eclaircir pour ne laisser que les rameaux porteurs de fruit. Sarcler, retourner le sol et arracher les mauvaises herbes. Et puis, vendanger. Il en faut, des soins attentifs jusqu'à la vendange qui chez les vignerons, est toujours un moment très joyeux, parce que l'on recueille le fruit de toute une année de travail. Et enfin, après les vendanges, en novembre, planter de nouveaux pieds qui donneront du fruit, si tout va bien, trois ans plus tard.

Ce père qui s'adresse à ses fils a donc un grand projet : une belle vendange. Dieu prépare une vendange de joie et de bonheur et Jésus est venu l'annoncer : le Royaume. Quand le peuple d'Israël est arrivé, après avoir traversé le désert, aux portes du pays que Dieu lui avait promis, les espions partis en éclaireurs ont rapporté une énorme grappe de raisin. La vigne était déjà le symbole de tout ce que Dieu veut donner à son peuple.

Son Royaume arrive lorsque tout est conforme à sa volonté. Lorsque chacun et chaque chose est à sa vraie place. Le Royaume de Dieu s'approche lorsque la haine fait place à l'amour, la violence à la paix, la rancune au pardon, le désespoir à l'espérance, lorsque la solitude trouve une communion, lorsque la peine et les larmes trouvent une consolation, lorsque quelqu'un est guéri d'une maladie, lorsque la vérité triomphe du mensonge et le droit de l'injustice. Et Jésus qui a quitté ses disciples nous a promis de revenir un jour et d'établir ce Royaume de Dieu définitivement. Le Royaume, c'est notre espérance. Ce grand projet du Royaume est déjà commencé. Jésus est venu, il l'a annoncé, il l'a manifesté en guérissant des malades, en délivrant des gens qui étaient prisonniers, en rendant la vue aux aveugles, en rendant leur dignité à des hommes et des femmes rejetés ou humiliés. Et surtout, en obéissant jusqu'au bout à la volonté de son Père, jusqu'à la mort sur la croix. A travers cette parabole, nous apprenons qu'aujourd'hui Dieu veut nous faire contribuer à la préparation du Royaume. Il faut respecter le calendrier des travaux si l'on veut que la vendange arrive à point et qu'elle soit réussie et belle. Il y a urgence !

Nous apprenons aussi que Dieu rencontre de la résistance, chez ses propres enfants. Comme ce vigneron qui demande à ses fils d'aller travailler dans sa vigne. Une autre image pour parler de cette grande fête éternelle du Royaume que Dieu prépare, c'est celle du repas. Il n'y a peut-être pas beaucoup de vignerons parmi nous mais je suis sûr que tous les parents ici présents ont vécu la scène que je vais décrire. Le bon repas préparé par maman est prêt, il n'y a plus qu'à mettre la table. Un parent demande ce service à un enfant. Quelle est la réaction?
« Oh, non, je n'ai pas fini la 2e partie du niveau 5 du dernier jeu que mon copain m'a offert... »
« Oh, j'ai fait la vaisselle hier... »
« Demande à Hélène, ou demande à Julien, il ne le fait jamais ».
Souvent le parent insiste, ou bien, ce qui est plus pédagogique, ne dit rien, ne fait rien, mais alors le repas n'est pas servi. Et l'enfant finit par y aller, et la patience de son père ou de sa mère finit par obtenir du résultat. Mais le récit de Jésus me suggère qu'un autre enfant pourra répondre gentiment : « Oui papa, oui maman, j'arrive tout de suite ». Celui-là, c'est un malin : il sait qu'en disant "oui" il sera beaucoup plus tranquille qu'en disant non !  5, 10 minutes se passent. La table n'est toujours pas mise parce que l'enfant est toujours plongé dans son jeu. Un oui a été donné du bout des lèvres, mais il n'a pas été suivi d'effet. Et le repas attend toujours. Il est respectueux, le fils de la parabole qui dit oui mais n'y va pas. Il dit même "Seigneur" à son père. Mais Jésus dit ailleurs que ce ne sont pas ceux qui disent Seigneur qui entrent dans le Royaume, mais ceux qui font la volonté de son Père.

Frères et soeurs, le monde a faim et soif de l'amour de Dieu, le monde est comme cette vigne qui attend les soins des enfants du propriétaire, comme cette famille qui attend de pouvoir passer à table. Jésus revient bientôt, mais il faut aller travailler pour préparer la vendange, ou si vous préférez, il faut mettre la table. Et pour cela le Seigneur demande comme le vigneron à ses fils, comme le parent à la maison vers l'heure de midi : va accomplir la tâche que j'attends de toi.
Croire, nous dit Jésus, c'est agir, c'est prendre la parole de Dieu au sérieux. C'est se lever et changer de vie comme ces gens méprisés qu'étaient les filles faciles ou les collaborateurs de l'occupant romain qui prélevaient l'impôt et volaient au passage leurs compatriotes. Eux s'étaient repentis, eux avaient pris au sérieux l'appel du prophète Jean-Baptiste à vivre autrement. Longtemps ils avaient dit non à Dieu, longtemps ils n'avaient tenu aucun compte de sa parole, s'en moquant éperdument. lls avaient dit non et un jour ils ont cru, ils ont dit oui, et leur vie a changé. Ils sont entrés les premiers, comme les appellent les pharisiens eux-mêmes, dans le grand projet de Dieu -avant les gens bien. Les gens tellement bien, tellement pieux qu'ils ne sont pas prêts à obéir à Dieu et à aimer leur prochain autrement que du bout des lèvres.
Tout à l'heure nous allons dire à Dieu : "que ton règne vienne". C'est une manière de dire oui. Mais que fais-tu pour que son règne d'amour et de paix avance ? Nous allons dire à Dieu : "que ton Nom soit sanctifié", mais que fais-tu pour que Dieu soit honoré dans ta vie, qu'il ait la première place et pas seulement un strapontin ? Nous allons dire à Dieu : pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés. Alors, c'est fait ? C'est quand que tu vas le donner, ce pardon à celui ou à celle qui t'a blessé ? C'est cela croire, c'est cela faire confiance. C'est répondre à un appel. 

Car le Seigneur appelle. 
Mais une autre question se pose : 
qui le Seigneur appelle-t-il ?
Des spécialistes ? Des gens qui vont être à son service et qui vont même en faire leur métier, comme les pasteurs ? C'est vrai qu'un pasteur c'est quelqu'un qui dresse le couvert pour que chacun puisse se nourrir de la Parole de Dieu. C'est aussi quelqu'un qui aura parfois la joie d'accompagner une conversion à Jésus-Christ comme le vendangeur recueille une grappe dans sa main. Et c'est passionnant d'être pasteur pour cela, je le dis aux jeunes qui ont découvert que cette parole était une parole de vie : as-tu pensé que tu pouvais consacrer ta vie à la faire connaître, à l'expliquer, à l'annoncer, cette parole de Dieu ? Et si un de vos parents vous dit : quoi ? Tu veux devenir pasteur ? Mais c'est pas terrible, comme carrière, vous pourrez répondre que c'est la carrière la plus ambitieuse au contraire : comme le dit la discipline de notre Eglise, elle contribue à la préparation du Royaume de Dieu sur terre. Ce n'est pas rien. Beaucoup d'ambitieux construisent des projets parfois démesurés qui n'aboutissent pas, mais servir le Royaume de Dieu, c'est se mettre au service d'un projet qui se réalisera sûrement.

Mais bien entendu, il y a d'autres manières de travailler dans la vigne du Seigneur. Certains sont conseillers presbytéraux, d'autres se mettent au service du prochain en difficulté à la banque alimentaire ou ailleurs, d'autres font l'école biblique ou le catéchisme, d'autres entretiennent les locaux pour qu'ils soient toujours accueillants, d'autres encore visitent les malades ou les isolés en apportant quelques fleurs d'amitié et d'écoute, d’autres dégagent les gravats, d'autres s'engageront dans des mouvements de jeunesse, en faisant bouger leur ville, d'autres chantent, d'autres vont parler à leur voisin de palier.
Aucun des deux fils n'a répondu "je ne me sens pas capable", ou "je n'ai pas le temps". Si le père appelait ses fils, c'est qu'il les savait capables, c'est qu'il savait qu'on trouve toujours le temps de faire ce que l'on veut vraiment faire. Si tu te sais appelé, tu peux croire que Dieu te donnera les forces et les moyens nécessaires pour répondre à son appel, car Dieu donne ce qu'il ordonne. Alors vas-y ! N'aie pas peur de te couper les doigts avec ton sécateur en ramassant le raisin, n'aie pas peur de te fatiguer à transporter les comportes pleines jusqu'au tracteur, n'aie pas peur du froid quand il faut aller tailler la vigne un matin d'hiver. N'aie pas peur de la tâche à accomplir, car Dieu t'aime et il t'accompagne. AMEN.

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év de Matthieu, ch 14,22-33. Jésus marche sur les eaux. Prédication du 13 août 2017.

Aussitôt après, Jésus fit monter les disciples dans la barque pour qu'ils passent avant lui de l'autre côté du lac, pendant que lui-même renverrait la foule. 
23Après l'avoir renvoyée, il monta sur une colline pour prier. Quand le soir fut venu, il se tenait là, seul ; 24la barque était déjà à une bonne distance de la terre, elle était battue par les vagues, car le vent soufflait contre elle. 25Tard dans la nuit, Jésus se dirigea vers ses disciples en marchant sur l'eau. 26Quand ils le virent marcher sur l'eau, ils furent terrifiés et dirent : « C'est un fantôme ! » Et ils poussèrent des cris de frayeur.
27Mais aussitôt Jésus leur parla : « Courage, leur dit-il. C'est moi, n'ayez pas peur ! » 

28Pierre prit alors la parole et lui dit : « Seigneur, si c'est bien toi, ordonne que j'aille vers toi sur l'eau. » — 
29« Viens ! » répondit Jésus. Pierre sortit de la barque et se mit à marcher sur l'eau pour aller à Jésus. 
30Mais quand il remarqua la violence du vent, il prit peur. Il commença à s'enfoncer dans l'eau et s'écria : « Seigneur, sauve-moi ! ».
31Aussitôt, Jésus étendit la main, le saisit et lui dit : « Comme ta confiance est faible ! Pourquoi as-tu douté ? » 
32Ils montèrent tous les deux dans la barque et le vent tomba. 
33Alors les disciples qui étaient dans la barque se mirent à genoux devant Jésus et dirent : « Tu es vraiment le Fils de Dieu ! »
Les disciples rament cette nuit-là sur le lac de Tibériade. Parce que le vent est contraire. Jésus les a laissés seuls et ils n’avancent pas vite. Jésus les a renvoyés après avoir renvoyé les foules qu’il venait de nourrir et de rassasier par le miracle des pains et des poissons. Jésus n’a laissé à personne le temps de l’acclamer, de le faire roi, et il s’est retiré pour se retrouver face au Père et prier.

Cette barque et les disciples qu’elle contient, c’est une image du peuple de Dieu, de l’Eglise. Nous aimerions tellement que l’Eglise avance plus vite, qu’elle proclame avec assurance la victoire du Seigneur et son Règne qui vient. Nous aimerions tant qu’elle grandisse, qu’elle attire les foules, qu’elle ait le vent en poupe ! De même que les disciples auraient voulu que tout continue à bien aller, après cet épisode magnifique qu’ils venaient de vivre, celui d’une foule rassasiée avec le peu qu’ils avaient apporté et que Jésus avait multiplié. Mais voilà, Jésus les a envoyé affronter sans lui un vent contraire, dans la nuit, loin des foules. Et pour éviter cette épreuve, il faudrait que les disciples fassent demi-tour, et ils iraient alors dans la direction opposée à celle que Jésus leur a attribuée, l’autre rive.

Suivre Jésus, écouter la Parole de Dieu, c’est donc aussi accepter d’affronter le vent contraire. Ce n’est pas s’emparer d’une puissance qui nous permettrait comme par magie de surmonter tous les obstacles et de venir à bout de tous les problèmes.

Mais peut-être qu’à force de ramer, de lutter, d’écoper, de suer, les disciples ont-ils oublié que leur maître, même s’il s’est absenté, ne saurait les abandonner. Un peu comme ces disciples d’Emmaüs qui retournent tout tristes chez eux le 3e jour après la mort de Jésus sur la croix, et qui sont tellement tristes que non seulement ils ont oublié sa promesse de Résurrection, mais qu’ils ne le reconnaissent même pas quand il les rejoint sur le chemin. Quant aux disciples, dans leur barque, l’apparition de Jésus les effraie, encore plus que le vent lui-même ! ils sont tellement peu préparés à accueillir cette présence.

Jésus n’abandonne pas à leur sort ceux qu’il a appelés et envoyés. Le crucifié est aussi le Resssuscité. Jésus, peu avant l’aube, marche sur les eaux comme on piétine un ennemi vaincu. Car enfin, il faut essayer d’interpréter ce miracle qui paraît non seulement bizarre, par son côté spectaculaire et un peu inutile, à première vue. Mais il y a là un signe qui parle. Ces eaux, c’est le symbole de tout ce qui menace le peuple de Dieu, un peu comme la mer rouge qui se dressait comme un obstacle dans la fuite du peuple d’Israël et que Dieu a ouvert, fendu en deux. Ces eaux sur lesquelles Jésus marche, ce sont tous les ferments de haine, d'indifférence et de division, c’est l’orgueil et la corruption, c’est la souffrance, c’est le désespoir, c’est la mort. Tout ce qui s’oppose au projet du Dieu vivant, celui d’une création nouvelle, de cieux nouveaux et d’une terre nouvelle. Il vient vers ses disciples, tard dans la nuit, au plus noir de la nuit, peut-être juste avant l’aube. Pourquoi les a-t-il laissés seuls, pourquoi les a-t-il exposés à cette épreuve, c’est son secret. Mais l’important c’est qu’il les rejoint, qu’il vient vers eux, et qu’il leur dit, qu’il nous dit : « c’est moi, n’ayez pas peur ».

La version que donne Matthieu de ce récit de miracle précise ce qui arrive à Pierre, en particulier, et nous invite à nous identifier à lui, car ce qui est clairement en jeu, c’est sa foi. Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ? lui demande Jésus. A quel moment Pierre a-t-il douté ?

A première vue, c’est après qu’il a enjambé le bastingage de sa barque pour répondre à l’appel de Jésus, alors qu’il a commencé à marcher sur les eaux : quand il a eu peur, quand il a vu le vent et qu’il s’est senti en danger. Alors-là, dirons-nous, sa foi courageuse s’est transformée en peur et en doute.

Mais à y regarder de plus près, à ce moment-là, quand il coule et s’écrie « Seigneur, sauve-moi », Pierre a une parole de foi et non pas de doute. Il crie vers le Seigneur sa détresse et compte sur lui. Le doute, on l’entend plutôt dans les premiers mots de Pierre : « si c’est bien toi, ordonne-moi de venir vers toi sur les eaux ». Si tu es vraiment là Jésus, alors je veux vivre moi-même un miracle, je veux être capable de reproduire ce que tu as fait. Montre-moi ta puissance, investis-moi de ta puissance et alors je croirai. Permets-moi de surfer sur la vague, si j’ose dire, de triompher de tous les obstacles, et alors je serai persuadé que c’est bien toi, que tu es bien là, que tu es bien le vainqueur, le ressuscité.

Comme je le connais, cet homme qui doute sous les apparences d’un champion de la foi, toujours prêt à se jeter à l’eau. Mais Jésus ne le lui a pas demandé. Jésus lui a demandé de traverser le lac et à le précéder sur l’autre rive. Pierre a simplement oublié qu’il n’est qu’un être humain, faible, fragile, devant toutes les tempêtes, et qu’il ne peut pas par lui-même vaincre les eaux et piétiner tranquillement leur surface. Il l’a oublié également quand il a prétendu qu’il resterait fidèle à Jésus jusqu’au bout, et vous savez ce qu’il en a été, et comment il a fini par renier Jésus tellement il avait peur d’être arrêté à son tour.

Nous avons un cantique que j’aime beaucoup : « la foi renverse devant nous les plus fortes murailles, la foi triomphe des verrous et gagne les batailles, la foi nous ouvre les trésors de la toute-puissance, les plus faibles deviennent forts, par sa sainte influence ».

Mais de quelle foi s’agit-il ? Si nous affirmons par ce cantique que la foi est une espère de potion magique qui ferait de nous des surhommes ou des « sur-femmes », si j’ose dire, et surtout qui nous éviterait toutes les tempêtes et tous les vents contraires, alors il est urgent de ne plus le chanter ! Non, la foi que ce cantique illustre, c’est, comme l’a dit quelqu’un, le fait d’avoir confiance dans la confiance d’un autre, à savoir Jésus-Christ.

Oui, ce cantique est vrai, frères et sœurs, s’il parle de la foi de Jésus-Christ. C’est lui qui renverse devant nous les obstacles, c’est lui qui nous permet d’avancer malgré nos faiblesses, c’est lui, par l’Esprit Saint, qui fait sauter les verrous qui nous emprisonnent. C’est lui qui par son obéissance et le don total de lui-même a brisé la puissance de la mort et toutes les fatalités. La victoire de la foi, c’est la victoire du Ressuscité, cette victoire dont il nous fait les bénéficiaires, et non pas les co-auteurs.  Si nous pensons que cette foi surpuissante que célèbre le cantique est la nôtre, nous commettons la même erreur que Pierre cette nuit-là sur le lac : nous oublions que nous sommes des êtres humains pécheurs, que nous n’avons qu’une seule prière à adresser au Seigneur : viens au-secours de mon manque de foi.

La foi c’est reconnaître la présence fidèle de Jésus au cœur de la nuit. Pas seulement lorsque tout va bien,  lorsque la barque de notre vie avance sans effort, avec le vent en poupe, lorsque notre cœur est gonflé de joie et de reconnaissance comme la voile d’un navire par le vent. Mais aussi quand nous échouons, quand nos projets peinent à se mettre en place, quand le découragement pointe à l’horizon. Alors là peut-être pouvons-nous tendre l’oreille de notre cœur et écouter Jésus nous dire : « courage, c’est moi, n’ayez pas peur ».

Prédication au temple d' Agen, le 17 juin 2017

Deutéronome ch. 8 : le projet éducatif de Dieu. .
lectures préalables : 1 Corinthiens 10,1-13. Ev. de Jean 6,51-53.

Qui est Dieu pour son peuple ? Un éducateur. Un père qui éduque ses enfants, pour les emmener ailleurs, vers un futur qui est un meilleur. Le Seigneur veut nous conduire… Tous les parents seront d’accord pour dire qu’éduquer, c’est long et difficile, et que pour bien élever ses enfants, il faut beaucoup d’amour. Ce que Moïse apprend ici à Israël, c’est avant tout de ne jamais oublier l’amour de Dieu pour lui.

Dieu éduque son peuple pour qu’il vive. Vivre, c’est être uni au Dieu vivant, et c’est pourquoi il fait alliance avec nous. Vivre, c’est aussi être libre. Pour Israël, l’Egypte, c’était la servitude et la mort. Pas d’avenir, pas d’horizon. Et voilà que Dieu fait passer son peuple de la mort à la vie. Voilà la finalité : que nous soyons des vivants libres, et pas des prisonniers de la mort.  Pour nous, la terre promise, c’est le Royaume inauguré par Jésus et pas encore pleinement manifesté, cet état de plénitude où tous vivront en harmonie avec Dieu, et avec les autres. Sans deuil ni larmes. Autrement dit la vie éternelle. Notre identité véritable, elle est devant nous. Ce que nous sommes réellement, enfants de Dieu, cela doit encore être manifesté. De même que la plante tant qu’elle est semence en terre n’est pas encore pleinement elle-même. Dieu veut faire de notre vie un passage, une marche vers notre nouvelle identité.  

Pour nous transformer ainsi, ce que Dieu veut nous apprendre, par l’éducation qu’il nous donne, ça tient en un mot : la foi. La foi c’est reconnaître, que nous ne vivons pas seulement de pain, mais de sa parole. La parole du Christ, la parole faite chair en Christ, qui fait grandir et vivre. Reconnaître que nous ne pouvons pas vivre par nous-mêmes sans le Seigneur. Ni trouver notre route par nous-mêmes sans sa sagesse. Reconnaître que nous ne sommes pas autonomes, c'est-à-dire que nous ne pouvons pas être notre propre loi, notre propre maître. Ou nous nous mettons à l’écoute du Seigneur, du Dieu libérateur, comme Israël devant le Mont Sinaï, ou bien nous nous mettons à la remorque des faux-dieux qui nous fascinent et qui ne pourront pas nous apporter la vraie vie, et alors nous restons esclaves en Egypte et nous moulons des briques pour le pharaon...

Quels sont les moyens pédagogiques que Dieu emploie pour éduquer son peuple, pour lui apprendre à croire, pour faire grandir sa foi ? Apparemment, il l’élève à la dure. Un séjour au désert. Est-ce qu’on ne ferait pas aujourd’hui un procès pour maltraitance à un père qui emploierait des moyens pareils ? Quarante ans au désert, quarante ans de pauvreté, de précarité.  Mais le désert, c’est un lieu idéal pour apprendre trois choses :

1)                  tout d’abord qu’il faut avancer. Rester sur place, dans le désert, c’est s’exposer à mourir sur place. La foi c’est une marche, jamais une installation définitive. Ne plus se poser de question, ne plus chercher à mieux connaître le Seigneur, ne plus chercher avec avidité sa vérité et son conseil, en se mettant à l’écoute de sa parole, c’est être spirituellement mort.

2)                  ensuite, la vie au désert se charge de nous apprendre que pour avancer, il faut se débarrasser de ses bagages encombrants et inutiles, apprendre que la pauvreté c’est un avantage. J’ai été très frappé par un détail du récit d’un couple qui a traversé l’Afrique du sud au nord, depuis le cap de bonne espérance jusqu’en Galilée, en trois ans au début de ce 3e millénaire, 14.000 kms entièrement à pied. D’autres, bien plus lourdement équipés qu’eux, avaient très vite échoué là où ils ont réussi parce qu’eux avaient le minimum de poids à transporter. Ils ont compté avant tout sur l’accueil et la nourriture que les africains leur donneraient en route. C’est ce risque de la confiance qui leur a permis de réussir leur projet. Cet apprentissage de la confiance, cet abandon entre les mains de l’autre, la manne en a été l’instrument par Israël : ils ne devaient récolte que la quantité nécessaire pour le jour-même, sans faire davantage de provisions. En Egypte, le peuple avait tout ce qu’il lui fallait pour subsister, légumes et viande, mais voilà, cela leur était octroyé par leurs maîtres. Ils mangeaient à leur faim, mais sans liberté, sans autre avenir que de mouler des briques pour le pharaon. Et ils sont partis avec le repas frugal de la Pâque dans l’estomac. Le Seigneur veut nous arracher à nos sécurités pour nous proposer la liberté de la foi. La foi, c’est prendre ce risque de laisser ses bagages, ses provisions, se lever pour aller chercher la vie nouvelle que le Seigneur nous propose. Comme le dit Paul : ses provisions, c’étaient ses certitudes, ses traditions, sa lignée, ses ancêtres, sa religion bien établie de pharisien sûr de plaire à Dieu. Et pourtant dit Paul, tout cela je l’ai considéré comme un déchet, une ordure (un terme fort !) afin de gagner Christ. Paul a tout misé sur le crucifié qu’il a rencontré sur le chemin de Damas. Il a vécu non de ses propres provisions à lui, mais de la parole que Dieu lui a adressée en Christ, le crucifié ressuscité.

3) Enfin, dans un milieu hostile comme celui du désert, il faut apprendre à compter sur les autres, à faire équipe, si vous préférez. On ne peut le traverser seul, ni s’en sortir seul. Il faut se joindre à une caravane quand on traverse le désert à pied. Israël à dû compter aussi sur Dieu. Notre caravane de chameaux à nous... c’est le corps du Christ, autrement dit l’Eglise.

Et ce n’est qu’au terme du voyage qu’Israël est appelé à re-connaître que Dieu a été pour lui comme un père envers son fils. Et c’est quelque chose à noter, l’explication vient après. Au moment d’entrer dans la terre promise. Un enfant ne comprend pas toujours du 1er coup les choix de ses parents, ou bien pourquoi telle ou telle chose lui est défendue, malgré tous les efforts des parents pour lui expliquer, c’est parfois plus tard qu’il le comprendra. Il doit faire confiance à ses parents, sans avoir tout compris. Ce n’est qu’après que nous pouvons dire : oui papa, ou oui maman, tu as eu raison de me dire cela, de me conduire, de m’imposer telle ou telle chose. Maintenant je comprends que tu as veillé sur moi, que tu m’as montré le bon chemin.

De même, nous ne comprenons pas toujours sur le moment où le Seigneur veut nous emmener, pourquoi il nous a fait prendre tel ou tel chemin, pourquoi notre vie avec lui a été ce qu’elle a été, l’explication viendra plus tard. Pourquoi Seigneur cette épreuve m’arrive-t-elle ? Pourquoi Seigneur faut-il que je connaisse ces difficultés ? Pourquoi ne réponds-tu pas toujours ? Autant de questions auxquelles la réponse viendra plus tard ; au seuil de la terre promise, Dieu dit à son peuple : tu vois, ton manteau ne s’est pas usé. Ton pied n’a pas enflé. L’épreuve n’a pas été insurmontable, et Paul le rappelle bien dans ce passage de la 1ère ép. aux Corinthiens lu tout à l’heure.

Mon frère, ma sœur, crois-tu que le Seigneur te conduit ? Alors écoute-le, laisse tomber ces bagages qui t’encombrent. Sors d’Egypte.
Laisse tous ces pains qui ne peuvent nourrir vraiment ta faim.  Choisis la confiance en ses promesses plutôt que la sécurité de tes richesses.
Ne crains pas de laisser le confort d’un loisir pour le risque d’un engagement au service du Seigneur et des autres.
Ne crains pas de renoncer à un plaisir égoïste pour une joie partagée.
Ne crains pas de manquer de force en route, quoi qu’il arrive, le manteau de la grâce de Dieu, ce manteau de lumière, ne s’usera pas sur ton dos.
Ne crains pas de persévérer dans l’obéissance à sa Parole, dans cette marche ton pied n’enflera pas . Le Seigneur veut t’éduquer comme un Père éduque son enfant. AMEN


L’actualité de Luther au cœur des défis contemporains
Conférence de M. Michel Bertrand, pasteur, professeur de théologie.
(centre universitaire du Pin, Agen, 2 mai 2017)



Martin Luther, moine allemand, publie en 1517 une déclaration en 95 thèses contre les ”indulgences” et le trafic qu’en fait la papauté pour ses finances.
Dans son étude de la Bible, Luther se remet progressivement en question ; c’est une véritable découverte… Le conférencier fait un historique de Luther mais présente des éléments bibliques de son message qui rejoint notre vie.
Une bande dessinée contemporaine présente un Luther ”lanceur d’alertes et de défis”.
Michel Bertrand en a relevé cinq ::
• 1er défi : la performance.
Il faut, dans notre société, assurer la compétition au mérite. Chacun de nous est sommé de se justifier. Nous devons ”assurer” dans notre travail et souvent, dans la  hantise de l’échec qui peut conduire à la dépression. Dans l’Épitre aux Romains (Paul), Luther découvre que l’homme ne peut rien par ses œuvres ; seule la foi, don gratuit de Dieu, peut le justifier.
• 2ème défi : l’autosuffisance.
Chacun aujourd’hui cherche son épanouissement en réalisant tous ses désirs. « Je dois m’éclater » quand je veux …comme je veux… ! L’homme contemporain veut être libre…il rêve, il vit d’illusions dans la toute-puissance, sans se poser de questions… Pour Luther, la libération est reçue de Dieu. Placer sa vie en Dieu nous libère de toutes les puissances. Pour le chrétien, il est essentiel de retrouver ses propres richesses intérieures. C’est un combat. Le travail doit être accompli dans la foi… c’est une prière.
• 3ème défi : le ”vivre ensemble”.
Le chrétien est un homme libre ; il n’est assujetti à personne mais il doit être au service de tous. Le chrétien est certes citoyen du Royaume, mais aussi du monde.
Luther est un homme réaliste. Il veut construire une société juste. On a besoin de lois pour vivre ensemble dans la paix ; Luther s’est impliqué dans les conflits sociaux de son époque, reprochant aux paysans leurs révoltes, mais critiquant sévèrement le comportement des Princes qui traquent les gens comme on traque le gibier et les appelle à plus de miséricorde.
• 4ème défi : le religieux.
Aujourd’hui se pose de façon dramatique le combat du ”religieux”, souvent source d’oppression et de fanatisme dès qu’il absolutise une vérité. Le religieux fait partie intégrante de l’homme : il est une donnée anthropologique. Même si notre société refuse de prendre en compte la portée sociale du religieux dans la vie, dans les rites y compris politique, ne sait pas le penser. Cependant, Luther nous dit que « Dieu est bien au-delà de ce que l’on peut dire ou faire ! » Il désacralise tous les discours religieux, les rites et institutions dès qu’ils prétendent mettre la main sur lui. L’autorité ultime, c’est le Christ. Pour les protestants, l’Église n’est pas source de salut. Elle n’est qu’une œuvre humaine toujours à réformer.
• 5ème défi : le témoignage.
Le témoignage est une exigence intellectuelle : foi et science s’interpellent réciproquement. L’intelligence de la foi combat l’apathie spirituelle comme le fanatisme. Nous devons articuler le croire et le comprendre. Dans cet esprit Luther a cherché la forme la plus adéquate du message à adopter en fonction de ses interlocuteurs).
Luther avait une passion : communiquer son message aux masses (par l’imprimerie récemment découverte , par la prédication orale) ; il s’agit pour lui d’une autre manière de croire et de comprendre la Parole. Les chrétiens doivent rendre compte de leurs convictions ; le témoignage doit être présent, même en décalage avec le moment ou le monde. Dieu permet le débat mais il ne permet pas la violence. C’est là une difficulté mais il faut aussi savoir exploiter, cultiver à notre profit, les moyens modernes de communication en se gardant de leurs dangers.

Le conférencier termine son exposé en nous assurant que notre désespoir –si désespoir ou découragement il y a- doit être confiant dans une quête : l’Espérance. 
Merci à Anne Chiotasso de nous avoir rédigé ce résumé. 
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Prédication du 5e dimanche de Carême sur l'épitre aux Romains 8,8-11.  2 avril 2017.
« changer de logiciel ».

Paul nous parle de deux manières d’être et de vivre. La première, c’est vivre selon notre propre nature, littéralement « selon la chair ». La chair, ici, ce n’est pas le corps, mais l’état de l’être humain sans Dieu, séparé de lui. La seconde, c'est être et vivre selon l’Esprit.

Paul le dit clairement à ses frères et soeurs de Rome : L’Esprit de Dieu habite en vous, il a fait sa demeure chez vous : dans vos pensées, dans votre vie, dans vos cœurs et dans toute votre personne. Vous vivez selon l’Esprit. Pour comprendre cette réalité nouvelle, prenons une image tirée de l’informatique.
Vous pouvez disposer d’un ordinateur tout neuf, avec des composants électroniques, une mémoire et un micro-processeur dernier cri et sans aucun défaut, il manquera encore à votre ordinateur pour fonctionner non seulement de l’alimentation électrique, mais aussi un système d’exploitation, qui en est en quelque sorte le moteur, sous forme d’un  programme, d’un code qui lui permettra d’exercer sa prodigieuse capacité de calcul, et de faire fonctionner des logiciels, diverses applications de cette capacité de calcul. La même machine peut ainsi fonctionner avec des systèmes différents. De même, dit Paul, il y a deux  manières de vivre, deux logiciels possible : selon votre propre nature, ce que Paul appelle la chair, ou selon l’Esprit de Dieu.

Paul ne dit pas « ou bien ou bien ». Il n’y aurait pas d’un côté des êtres 100% spirituels, c'est-à-dire habités par l’Esprit Saint, et de l’autre des êtres 100% charnels, c'est-à-dire totalement étrangers à Dieu. Ce serait assez désespérant, et nous savons que la frontière passe au milieu de chacun d’entre nous. Mais en opposant ainsi l’Esprit et la Chair, un mot qui n’a pas forcément pour lui le sens que nous lui attribuons d’habitude, Paul nous dit en quelque sorte : votre vie a changé de logiciel, de moteur ! Vous ne raisonnez plus, vous ne vous comportez plus, vous ne vivez plus comme si vous étiez séparés de Dieu, car désormais l’Esprit de Dieu habite en vous. Et cela, c’est une promesse, une bonne nouvelle.

Tous ceux qui pratiquent un peu l’informatique redoutent ce qu’on appelle d’un mot anglais un « bug » : une erreur dans le programme et l’ordinateur se bloque. Vous avez beau taper sur la clavier, il ne répond plus ou bien se met à divaguer, il n’est plus maitrisable. Parfois, c’est un virus, un programme informatique malveillant, qui provoque cette panne. Dans notre nature humaine, il existe un bug énorme, provoqué par un virus que la Bible appelle le péché. L’être humain ne veut pas vivre selon le projet de Dieu pour lui, il veut être à soi-même sa propre loi, son propre programme, si je puis dire ; se suffire à lui-même. Fabriquer sa propre identité, se donner lui-même un nom, un peu comme les hommes qui se mettent à construire la tour de Babel. Le résultat, le récit de la Genèse nous le décrit en quelques paroles d’Adam à Dieu : je me suis caché, parce que j’étais nu. Je voulais être à moi-même mon propre Dieu, je n’ai finalement découvert que ma fragilité de créature, et je la refuse, je refuse de te rencontrer, parce que j’ai peur de toi.

De même qu’un programme d’ordinateur ne peut pas se réparer tout seul, il a besoin d’une intervention extérieure, de même, nous ne pouvons pas nous-mêmes changer notre nature humaine, « la chair », la condition de l’être humain livré à sa propre faiblesse, à ses propres manques. Vivre vraiment, c’est recevoir la vie d’un autre que nous-même, l’Esprit Saint qui vient nous régénérer, renouveler complètement notre mentalité, notre attitude. Paul oppose précisément ces deux logiciels, la chair, la nature humaine séparée de Dieu et livrée à elle-même, un logiciel de mort, et l’Esprit, si j’ose dire, logiciel de vie, ou puissance de vie, si vous préférez !

Bien entendu, Paul ne connaissait pas l’informatique. Pour nous parler de notre condition et de la façon dont Dieu nous en délivre, il utilise une autre image qui nous parle aussi de toutes façons, Paul nous parle d’adoption. L’Esprit de Dieu répandu sur vous vous atteste qu’en Jésus-Christ, Dieu vous a reconnu comme ses enfants adoptifs, ses fils et ses filles. Au temps de Paul, on pouvait adopter quelqu’un à l’âge adulte ; un esclave par exemple pouvait non seulement être affranchi par son maître, mais encore devenir légalement son fils, c’est à dire habiter dans sa famille, hériter de son nom, de son statut social, de ses biens, recevoir une dignité de fils.

Mais nous pouvons en rester aux résonances que le mot « adoption » prend dans nos oreilles du 21e siècle : imaginons un enfant abandonné depuis sa naissance, qui porte ce poids si lourd de ne se sentir ni désiré ni aimé, ni reconnu, et qui va passer sa vie à tenter de lui trouver une justification. Qui refusera toute main tendue, cette main tendue, ce geste de reconnaissance qu’il cherche pourtant au fond de lui-même, et qui deviendra esclave, prisonnier de cette condition-là. Quand on ne se sent pas aimé, on ne peut pas aimer les autres, ni être sensible à leurs besoins ou à leurs souffrances, on s’isole, on ramène tout à soi. On se replie sur soi. La vie est bloquée, un peu comme un système informatique qui tourne en boucle, qui répète à l’infini les mêmes opérations parce qu’un virus a désorganisé le programme. Un peu comme ces animaux que l’on enferme et qui tournent constamment dans leur cage...

Et un jour, cet enfant s’intègre à une famille, il n’est plus seul et livré à lui-même. Parce qu’il a été adopté, sa vie va complètement changer. Il trouve enfin la reconnaissance et l’affection dont il a besoin. Cet enfant découvre qu’il est aimé, alors il va progressivement s’accepter, prendre confiance en lui-même, guérir de son repli sur soi, de ses peurs, et découvrir la joie d’être aimé pour lui-même, tel qu’il est, la joie de s’ouvrir aux autres et de chercher à leur faire plaisir. Et de plus, il héritera à égalité de droit avec ses frères et sœurs les biens de ses parents. Cela lui crée une responsabilité désormais, vis à des vis des membres de sa famille avec qui il est en relation, vis à vis des biens de cette famille à la gestion desquels il doit participer.

Frères et sœurs, Dieu a prononcé sur nous cette parole décisive par Jésus-Christ, son fils premier, son unique, dont nous devenons les frères et les sœurs : en lui, Dieu nous dit : je t’ai appelé par ton nom, je t’ai adopté, tu es mon enfant. Cette promesse, cette déclaration solennelle, il l’a déposée au fond de nos cœurs par l’Esprit Saint. Par l’Esprit nous pouvons désormais entrer dans l’intimité, celui que nous pouvons appeler « Abba », c’est à dire, dans la langue de Jésus, père, ou « papa ». Quel privilège ! C’est ce privilège que nous atteste le baptême. Nous pouvons dire à Dieu « Notre Père », et Charles Péguy comparait ces deux mots qui entament la prière à l’étrave d’un navire, qui fend les flôts qui nous séparent de Dieu, qui ligotent les bras de son jugement et nous ouvrent les bras de sa miséricorde. Plus de condamnation, plus de séparation, plus d’inimitié entre Dieu et nous. La mort fait place à la vie. C’est cette nouveauté radicale, complète, que nous allons fêter dans deux semaines. A Pâques.

Notre vie a changé d’orientation. Elle sort de la servitude, elle a changé de logiciel, pour reprendre l’image informatique que j’employais tout à l’heure. Dieu n’est plus un inconnu encore moins un adversaire, une menace obscure sur ma liberté. Il est Notre père, mon Père, celui en qui je mets ma confiance, celui que je laisse me diriger dans l’apprentissage de l’amour. Alors les autres ne sont plus des rivaux, ni une menace sur ma tranquillité, ils deviennent des proches à reconnaître et à aimer. Et enfin je ne suis plus un fardeau pour moi-même, je n’ai plus à me prouver quoi que ce soit pour me rendre acceptable et aimable à mes propres yeux, parce que quelqu’un d’autre m’a dit : tu es aimé tel que tu es. Je deviens dans ma vie témoin actif de cet amour. Voilà le sens de la dette, de cette obligation à l’égard de l’Esprit Saint, dont parle Paul dans notre texte. Non pas un poids écrasant, mais une responsabilité qui devient un service joyeux, le service libre des enfants de Dieu. De ceux à qui Dieu a déclaré : je t’ai racheté, je t’ai appelé par ton nom, tu es à moi.

AMEN.

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Prédication sur Luc 5,27-28. L’appel de Lévi. D’après le tableau du Caravage : « La vocation de Saint-Matthieu ». Temple d’Agen, 13 novembre 2016

Jésus sortit et vit un collecteur d’impôts du nom de Lévi assis au bureau des taxes. Il lui dit « suis-moi ». Quittant tout, il se leva et se mit à le suivre.


Jésus est tout à fait à droite du tableau. Il dit à cet homme « suis-moi ».
L’homme a encore une main sur les pièces de monnaie qui jonchent la table des douaniers.
De l’autre main, il se désigne lui-même.
Une main recroquevillée sur son travail, sur sa vie de péager. Une autre avec l’index tendu vers soi.
Il est à l’instant clef de sa vie, à l’instant décisif. Jésus vient de l’appeler par son nom.
La main droite représente sa vie jusqu’à présent. Sa vie de collecteur d’impôt, de collaborateur des romains. Sa vie consacrée à l’argent. 

Ne nous y trompons pas. Ce n’est pas une scène de recrutement quasi forcé.
Jésus n’est pas ici le sergent-recruteur du Père céleste qui vient nous arracher à nos conforts, à une vie tranquille, et qui nous dit : « tu es là pour obéir et pour en baver ».

Non. La main de Jésus évoque celle de Dieu dans la scène de création d’Adam, au plafond de la chapelle Sixtine.
Ce n’est pas une scène de vocation mais une scène de naissance, une scène de création.
Mais oui, bien sûr, c’est vrai ! Quand Dieu parle, il crée. Que la lumière soit ! Et la lumière fut.
Quand le Seigneur m’appelle, il me crée, il me fait exister et vivre.
Jésus n’a pas dit : « eh, toi là-bas, viens avec moi ». S’il avait dit cela, ce n’est pas un personnage qui aurait levé les yeux vers lui avec étonnement, mais les cinq péagers assis. Il y en a deux qui ne lèvent même pas les yeux vers Jésus, tout occupés qu’ils sont à compter les sous. Quant aux deux autres à droite, l’un arbore un regard nonchalant, négligemment appuyé sur l’épaule de Lévi, indifférent, un peu moqueur presque : qui c’est celui-là, qui c’est ce barbu, qui c’est ce Jésus qui a l’air de surgir du fond des âges ? L’autre, de dos, à califourchon sur le banc, est complètement interloqué. Il est comme paralysé par la surprise de voir Jésus et le disciple qui l’accompagne. Mais il ne réagit pas pour autant. Il ne bougera pas de son banc, de ses habitudes.

Parce que Jésus l’a appelé par son nom, un homme est en train de naître. Il vient à la lumière, cette lumière qui vient de la même direction que Jésus, de la même source, parce que c’est le Père qui vient en Jésus à la rencontre de l’homme.

Lévi ne comprend pas, visiblement, pourquoi Jésus lui demande de le suivre. Il a l’air de ceux qui viennent de se réveiller. Et d’ailleurs dans le récit de l’Evangile, il est bien dit que Lévi s’est levé et a suivi Jésus. Il s’est d’abord levé. « anastas », s’étant levé, en grec. La même racine qu’anastasis, la résurrection.  Devenir disciple de Jésus, le suivre, c’est tout simplement devenir celui ou celle que l’on est. Ce n’est pas rentrer dans un moule.

Un homme qui était un péager parmi d’autres, parce qu’une parole l’appelle, devient quelqu’un d’unique. C’est lui le personnage central. C’est la première bonne nouvelle que le Caravage nous décrit dans ce tableau. Lui qui paraît-il était un voyou, et pas seulement un grand peintre. Si le Seigneur nous appelle, c’est parce que nous avons une immense valeur à ses yeux.

Jésus ne nous appelle pas pour nous aliéner, pour nous enrôler, mais pour nous révéler à nous-mêmes. En suivant Jésus, on découvre désormais qui l’on est vraiment. « Toi ». « C’est toi ». Dit le geste de Jésus. On a presque l’impression de l’entendre, tellement cette scène est vivante.« c’est Moi ? » répond le geste de Lévi. « c’est Lui », dit le geste de ce disciple de Jésus que l’on voit de dos près du maître. Le Caravage a voulu représenter l’apôtre Pierre, pour accompagner Jésus et désigner lui aussi Lévi. Pierre qui pour le peintre représente le peuple de Dieu, l’Eglise. Et c’est vrai que pour nous appeler, le Seigneur met sur notre chemin des aînés dans la foi, des personnes qui nous montrent au Seigneur, et qui lui disent : mais oui, c’est lui, c’est elle , Seigneur, que tu appelles ! C’est de lui que tu as besoin c’est lui, c’est elle. Aux trois personnes du singulier, « moi », « toi », « lui », Le peintre nous dit et nous redit que nous sommes le personnage de ce tableau, combien nous comptons aux yeux du Seigneur.

Alors la grande question que nous pose le Caravage, c’est : à qui est-ce que je m’identifie ?
Je vous avoue que personnellement, je ne peux pas faire autrement que de m’identifier à Lévi.

Je ne peux pas faire autrement que d’entendre Jésus me dire : « c’est toi que je veux ».
Vous allez me dire, mais oui, c’est normal, lui il est pasteur. C’est son métier.
Mais non.
Nous recevons tous vocation à nous lever de notre table, de notre banc.
Parce que le Seigneur appelle chacun d’entre nous par son nom, et parce que chacun d’entre nous est unique et précieux pour lui.
Il veut nous ressusciter, nous réveiller, nous lever, nous mettre debout, nous révéler à nous-mêmes.

Avec les  jeunes, nous avons réfléchi à cette question : est-ce que Jésus veut des « fans » ou des « disciples ».
Un fan, c’est quelqu’un qui ne vit, qui ne pense, que par et pour son idole. Que cette idole soit un chanteur/chanteuse, un acteur/une actrice, un sportif, un homme ou une femme politique, ou une grande figure morale, voire religieuse, ou encore un gadget informatique. Un fan s’entasse avec des milliers d’autres fans et comme tous les autres fans il attendra des heures et des heures que son idole daigne se montrer dans l’espoir de faire avec lui un « selfie », d’avoir un autographe, ou que le magasin s’ouvre pour qu’il puisse être parmi les premiers à s’offrir le nouveau gadget dont il rêve.

Un disciple de Jésus, c’est quelqu’un d’unique et de non-comparable aux autres. Et c’est bien pour cela que Jésus a appelé ses disciples un par un, en les rencontrant et en leur disant : suis-moi.  Et même lorsque nous sommes tous rassemblés pour écouter la Parole de Dieu, c’est individuellement, personnellement que chacun, chacune d’entre nous est créé et recréé.

Et regardez notre diversité. C’est aussi l’œuvre du Créateur, le Père, qui par le souffle de l’Esprit suscite des vocations et des appels si différents. Il n’y a pas deux disciples de Jésus qui le servent de la même manière sur cette terre ! Rien que dans le domaine artistique, écoutez une cantate de Bach, puis écoutez un chant Gospel bien enlevé, puis écoutez du chant grégorien, et puis enchaînez sur un psaume huguenot, et puis après l’audition des chœurs de l’Eglise orthodoxe, terminez par une danse de Nouvelle-Calédonie, et vous aurez l’impression d’avoir entendu s’exprimer autant de religions différentes. Et pourtant, c’est la même foi au même Seigneur, Jésus Christ.

Mais il faut encore insister sur un détail, qui n’est pas un détail. Vous avez vu le chassis en bois de la fenêtre ? En forme de croisillon, il rappelle que suivre Jésus, cela a un prix. Il faut mourir à soi-même. Pour naître à soi-même, pour ressusciter, pour se lever, il faut d’abord mourir à notre vie sans lui, cette vie représentée par la main droite de Matthieu-Lévi, encore occupée à compter les sous.

Sur quoi notre main droite à nous est-elle encore crispée ? De quelle peur devons-nous être guéri ? De quelle prison, de quelles chaînes Jésus veut-il nous libérer ? qu’est-ce qui m’empêche de le suivre et de devenir celui qu’il a voulu de toute éternité que je sois, à savoir moi-même ?

Finalement, ce tableau nous dit une seule chose : ne passe pas à côté de la vraie vie. AMEN.

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